mardi 8 mai 2018

Aiguisage d'un godendard

Peu de gens possèdent encore un godendard de nos jours  celui-ci ayant été graduellement remplacé par les scies à chaines.  Je vous propose donc un billet dédié à l'affûtage complexe de cet outil.





C'est un outil très efficace mais qui nécessite un aiguisage relativement complexe.  Puisque j'en ai acheté un il y a six mois, il est temps de l'aiguiser correctement.

La dernière fois que j'ai fait ce travail remonte à environ trois ans.

Terminologie:
- Râteau: dents centrales en Y qui ne servent qu'à enlever du bois déjà coupé.
- Dents: les dents "normales" servent à couper le bois et ressemblent à ce que l'on peut retrouver sur une scie à tronçonner.
- avoyage: opération consistant à plier les dents alternativement d'un côté et de l'autre.

Il y a plusieurs étapes à suivre:

1. S'assurer que la scie est bien droite.
Si ce n'est pas le cas il va falloir marteler la scie pour obtenir une belle ligne droite.  Si votre scie est pliée, il y a de bonnes chances que lors de l'utilisation, la lame plie encore plus.  Ceci est spécialement vrai si c'est une personne seule qui l'utilise parce que la scie sera surtout poussée au lieu de tirée comme c'est le cas si deux personnes l'utilisent.

2. Jointage.
Par jointage j'entends ici que les dents doivent être de la même longueur et être sur le même arc.  Ces scies ne sont pas droites mais forment un grand arc de cercle.  Le jointage est donc le procédé par lequel les dents sont nivelées à la même hauteur en suivant l'arc.




Pour cette opération j'utilise un "Morin gauge".  C'est l'outil rouge que vous voyez ci-haut.  Cet outil possède plusieurs fonctions reliées à l'aiguisage de ce type de scie.

Donc, j'insère une lime plate dans le Morin gauge et j'utilise les vis à chaque extrémité pour plier la lime en tentant d'obtenir un arc de cercle similaire à la scie.  Voici une autre vue.



Puisque ma scie semble n'avoir jamais été aiguisée, je ne lime que légèrement les dents.  Ceci me donne déjà une bonne idée si je vais avoir beaucoup de travail ou non.  Je vais travailler...

Je me rends compte que les râteaux sont plus courts que les autres dents et c'est bien important parce que lorsque l'aiguisage sera terminé je veux avoir les râteaux en retrait des autres dents par environ 0.25 à 0.35 mm (0.010 ou 0.015")

De plus, pour avoir une scie moins difficile à pousser, je veux aussi avoir des râteaux arrondis au lieu de verticaux.

Dans ce cas-ci, puisque je veux arrondir les râteaux (voir point 3), le jointage sera refait après que les râteaux seront arrondis.

3. Arrondir les râteaux.
Je vais tenter d'obtenir des râteaux ayant 30 degrés sur la face d'attaque.  C'est comme si je vous disais que vous devez enlever du bois en maintenant un ciseau perpendiculaire (si je les laisse tel quel) à la surface comparativement à être penché de 30 degrés.  La différence est énorme.
Le problème est que cette opération va faire que la pointe des râteaux sera encore plus basse par rapport aux autres dents...et elles sont déjà trop basses avant l'arrondissement.  Ceci veux dire que je devrai baisser toutes les autres dents.

Je commence par creuser le centre des râteaux pour obtenir qu'ils soient plus allongés et plus facile à arrondir par la suite.



Chaque face d'attaque (l'extérieur) est limée dans le but d'avoir une surface lisse.  Les copeaux devront glisser sur cette surface.



Les faces à l'intérieur des Y sont aussi arrondies et l'idée est d'enlever suffisamment de matériel pour faciliter l'opération d'arrondissement sans trop en enlever et risquer d'affaiblir une dent.  Un peu d'expérimentation s'impose.

Le râteau ayant maintenant la forme que je désire, je peux procéder à l'arrondissement.  Certains frappent directement sur le râteau avec un marteau.  J'ai déjà eu de mauvaises expériences dans le passé avec ce procédé alors j'utilise un poinçon à bout plat ce qui m'empêche de frapper au mauvais endroit.

Je débute au centre du râteau qui est épais et pas vraiment facile à plier.



Et j'avance graduellement vers la pointe.



Je surveille ma progression avec un rapporteur d'angle ajusté à 30°.



Lorsque tous les râteaux ont finalement une face d'attaque autour de 30°, j'utilise une lime fine pour repolir cette face si importante.

La prochaine opération sera de niveler encore une fois les dents et les râteaux pour obtenir un petit plat sur chacun d'eux.  Ensuite, je vais limer les dents pour enlever le plat et je m'arrête immédiatement lorsque celui-ci disparait.  Pour les râteaux j'ai besoin de mon Morin gauge qui est ajusté autour de 0.25mm (0.01").

J'appuie le Morin sur les dents déjà à la bonne hauteur et je lime l'excédent des râteaux.





Je vérifie que j'ai bien fait mon travail avec cet écrou en laiton que l'on peut ajuster à la profondeur requise et qui dépend de la dureté du bois à scier.  Je préfère un râteau trop court à un râteau trop long.  S'il est trop long il devra enlever du matériel qui n'aura pas été préalablement coupé par les dents ce qui donnera un sciage très forçant.



Il ne reste que l'avoyage.  Cette opération consiste à plier alternativement une dent d'un côté et la suivante de l'autre.  Les râteaux demeureront droit.  L'idée est de plier les dents juste assez pour que la scie ne soit pas à la serre dans la coupe.  Trop d'avoyage sous-entend un trait de scie plus large et donc plus de matériel à enlever ce qui est loin d'être optimal.

Les pinces habituelles pour ce travail ne sont pas assez puissantes pour ces dents très épaisses.  La seule solution que je connaisse est le marteau et l'enclume.



Cette méthode n'étant pas très précise, j'ajuste l'écartement des dents en utilisant une pierre diamantée que je passe sur toute la longueur de la scie, du côté plat de la lame.  D'un côté, la pierre est appuyée sur la lame et, de l'autre, sur l'extérieur des dents.  Une passe de chaque côté et je fais un essai de coupe.  Je recommence au besoin.

La toute dernière étape dans ce long processus est de faire un essai ce coupe.  Je n'ai que du bois déjà séché et ce n'est pas l'idéal mais je tente le coup.



Voici les copeaux et j'en suis satisfait.  Si le bois avait été vert, je sais que j'aurais obtenu de longs copeaux mais on peut quand même en voir quelques-uns.  Ces longs copeaux sont un signe que notre affûtage est au point.



En les regardant de près je constate qu'ils ont bien été coupés par les dents et enlevés - sans être arrachés - par les râteaux et c'est bien ce que je voulais.

C'est un travail fastidieux mais, encore une fois, je suis toujours content lorsque je vois que l'outil fonctionne comme il le devrait.

Normand

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